Par Amanda Fowler (Avocate superviseure) et Laura Wade (Gestionnaire de programme)
Dans la plus longue affaire à laquelle AthlètesCAN et la Clinique Solution Sport (la clinique) de la Faculté de droit de Western ont participé, une ancienne entraîneuse de Gymnastique Canada, Elvira Saadi, s’est vu interdire à vie d’entraîner des athlètes.
Cette décision est la première à ordonner une interdiction à vie pour des abus non sexuels au Canada. Il s’agit également de la première décision rendue publique (en anglais seulement) – ce qui constitue une nette différence par rapport à la « pratique » de Gymnastique Canada qui consistait à garder les décisions confidentielles.
Il a été établi que Mme Saadi avait abusé d’athlètes en leur infligeant des sévices physiques, émotionnelles et psychologiques. Elle faisait notamment des commentaires désobligeants sur le corps des athlètes, limitait leur consommation de nourriture et d’eau, et inspirait une peur qui s’est normalisée au sein de la communauté gymnique. Il s’agit là d’une décision importante dans le cadre du mouvement croissant en faveur du sport sécuritaire, qui reconnaît que d’autres formes d’abus, telles que les abus émotionnels et psychologiques, ne seront plus tolérées dans le sport.
Toutes les formes d’abus et de maltraitance doivent être prises au sérieux, et cette décision démontre que les abus émotionnels et psychologiques continus ne seront pas sanctionnés à la légère.
Afin de retracer l’historique de l’implication de la clinique dans cette affaire, l’enquête sur Mme Saadi menée par une enquêtrice externe a débuté en novembre 2020 et le rapport d’enquête a été publié en avril 2022. Le gestionnaire de cas a recommandé que les plaintes soient transmises à un comité de discipline de Gymnastique Canada pour qu’il prenne des mesures disciplinaires.
Au terme d’une médiation infructueuse, toutes les parties (chacune représentée par un avocat) ont accepté que le rapport d’enquête soit adopté par le comité comme conclusions de fait. Il restait donc au comité à décider de la sanction applicable.
Avant cette procédure de sanction, Gymnastique Canada et Mme Saadi ont déposé des requêtes : Gymnastique Canada a contesté le fait que notre cliente soit une plaignante à part entière dans la procédure, et Mme Saadi a cherché à annuler l’audience en raison d’un manque de compétence, d’une crainte de partialité et de l’équité procédurale en raison d’une prétendue convention d’honoraires dans le cadre de laquelle Gymnastique Canada a payé les frais d’avocat des autres plaignantes. (Il importe de souligner que nous n’avons jamais été payés par Gymnastique Canada).
Notre cliente a déposé des observations en réponse et a réussi à faire rejeter les demandes. En fait, Gymnastique Canada avait fait valoir que l’organisme « devenait » les plaignantes et qu’il devait prendre en charge et contrôler la procédure en leur nom à l’avenir. Le comité n’était pas d’accord. Gymnastique Canada s’est vu attribuer un rôle participatif, et non le statut de « partie » qu’il demandait.
À l’issue de la procédure de sanction, le comité a prononcé la sanction suivante :
- Suspension complète de l’adhésion à Gymnastique Canada et à tout organisme provincial de régie de la gymnastique au Canada pour une période de 10 ans, avec crédit pour la période de suspension provisoire.
- Obligation de suivre une formation sur l’éthique et l’entraînement sain et de démontrer une compréhension complète du Code d’éthique et de conduite de Gymnastique Canada, entre autres conditions de réintégration.
- Si les conditions susmentionnées sont remplies, elle est autorisée à retourner à la formation des entraîneurs uniquement. Il lui est interdit d’avoir un contact direct avec les athlètes de quelque manière que ce soit.
Compte tenu de la durée de cette affaire (3 ans, dont 13 mois d’enquête), elle a été supervisée par trois cohortes de gestionnaires de programmes de la clinique : les gestionnaires de programmes diplômés Tyler Matthews, Brittany Bates et Rheanna Geisel, ainsi que les gestionnaires de programmes actuels Laura Wade, Dylan Romero-Marshall et Hannah Herrington.
L’avocate superviseure de la clinique, Amanda Fowler, était l’avocate attitrée et le Dr Emir Crowne s’est joint à nous en tant que co-expert pour les requêtes et l’audience de sanction.