OTTAWA – AthlètesCAN, en partenariat avec l’Université de Toronto, a le plaisir de publier le rapport détaillé de l’étude Prévalence des mauvais traitements chez les athlètes, tant anciens qu’actuels, de l’équipe nationale.
Le sondage en ligne anonyme a été élaboré par Gretchen Kerr, PhD, Erin Willson, B.KIN et Ashley Stirling, PhD en collaboration avec AthlètesCAN, et avec le soutien de l’Université de Toronto et du gouvernement fédéral. Il a été distribué par AthlètesCAN aux membres actuels de l’équipe nationale ainsi qu’aux membres à la retraite de l’équipe nationale et qui ont quitté le sport au cours des dix dernières années.
“Tous les Canadiens et Canadiennes ont le droit de pratiquer le sport dans un environnement sécuritaire, accueillant, inclusif, éthique et respectueux, a déclaré Kirsty Duncan, Ministre des Sciences et du Sport. “Cette étude nous démontre qu’un changement de culture systémique est nécessaire pour éliminer la maltraitance, y compris la violence sexuelle, psychologique et physique, la négligence, le harcèlement, l’intimidation, l’exploitation et la discrimination. J’aimerais remercier AthlètesCAN et l’Université de Toronto d’avoir collaboré sur cette étude et de nous avoir fourni les preuves nécessaires pour prendre des décisions bien renseignées afin de rendre le sport plus sécuritaire au Canada.”
« Bien qu’il soit important de reconnaître les nombreux avantages éventuels que la participation au sport a à offrir, il est aussi important d’admettre que, pour certains athlètes, le sport représente une expérience nocive, caractérisée par différentes formes de mauvais traitements », explique la Dre Gretchen Kerr, professeure à l’Université de Toronto. « La présente étude s’est penchée sur toutes les formes de mauvais traitements, y compris la violence sexuelle, physique et psychologique, la négligence et différents types de harcèlement, d’intimidation et de traditions de bizutage. Même si jusqu’à présent, l’attention a été portée sur les expériences de violence sexuelle, les conclusions de l’étude indiquent que les athlètes subissent davantage de violence psychologique et de négligence que toute autre forme de violence. Le plus troublant, c’est que les comportements négligents et psychologiquement néfastes comme l’emploi de commentaires dégradants, menaçants et humiliants, ainsi que le refus de satisfaire à des besoins élémentaires de l’athlète comme la nourriture, l’eau et des conditions d’entraînement sécuritaires, sont acceptés comme pratiques normales dans le sport », ajoute-t-elle. « Nous n’accepterions pas ces comportements dans aucun autre milieu, alors pourquoi les athlètes doivent-ils les endurer? »
Ce sondage a vu la participation de 764 athlètes de l’équipe nationale et de 237 athlètes à la retraite; 61 % des répondants étaient des femmes. De plus, les groupes sous-représentés auto-identifiés comportaient 10 % d’athlètes racialisés; 12 % d’athlètes ayant un handicap; 2 % d’athlètes autochtones et 7 % d’athlètes LGBTQ2I+.
« Nous savons que le sport a le pouvoir d’inspirer une nation, de forger des leaders et d’unir les Canadiens », déclare Dasha Peregoudova, présidente d’AthlètesCAN. « C’est pourquoi nous revendiquons avec vigueur les changements nécessaires pour lutter contre la violence, le harcèlement et la discrimination dans le sport. Pour ceux qui ont écouté, la voix des athlètes a été dominante sur la question de la sécurité dans le sport pendant des générations. Les efforts de défense des intérêts des athlètes relativement à cette question comportaient la divulgation et le signalement des différentes formes de mauvais traitements, des recommandations et des demandes de changement ainsi que l’échange de connaissances sur les pratiques qui fonctionnent et qui ont permis aux athlètes de vivre une expérience positive », ajoute-t-elle. « Toutefois, nous n’avons pas vu d’étude centrale, indépendante, axée sur la recherche et portant sur la perspective de l’athlète sur la question de la sécurité dans le sport en plus de 20 ans. La situation a changé. Le rapport portant sur des données concrètes, recueillies auprès de 1 000 athlètes de l’équipe nationale, est indéniable. Il contribuera à renforcer la voix des athlètes dans leurs efforts pour susciter le changement d’une façon sans précédent. »
Un certain nombre de constatations clés découlent de cette enquête. Elles serviront à alimenter la conversation nationale sur la capacité du Canada à aborder non seulement la question de la violence, du harcèlement et de la discrimination dans le sport, mais aussi toutes les formes de mauvais traitements.
COMPORTEMENTS NÉFASTES
Les pourcentages de comportements néfastes les plus communs et signalés comme étant les plus fréquemment subis par les athlètes actuels et à la retraite sont les suivants : violence psychologique (17 %, 23 %); négligence (15 %, 22 %); violence sexuelle (4 %, 7 %); et violence physique (3 %, 5 %).
Parmi les athlètes actuels et à la retraite qui ont déclaré avoir vécu au moins un comportement néfaste dans chacune des catégories de mauvais traitements, le pourcentage des comportements néfastes les plus communs sont les suivants : négligence (67 %, 76 %); violence psychologique (59 %, 62 %); violence sexuelle (20 %, 21 %); et violence physique (12 %, 19 %).
« Cette étude présente un portrait de l’ampleur et de la profondeur du tort causé aux athlètes pendant qu’ils concourent pour notre pays », indique l’olympienne Erin Willson. « Il est évident que cette question dépasse le cadre de la conduite criminelle et porte sur une grande variété de comportements qui ont un impact sur le bien-être physique et mental des athlètes. En tant qu’athlètes de haute performance, nous sommes bien placés pour parler de la portée des comportements normalisés que nous avons subis dans le sport, du niveau communautaire au niveau élite, mais nous ne représentons qu’une infime partie des athlètes récréatifs et compétitifs au Canada. Si nous avons vécu des mauvais traitements tout au long de notre cheminement sportif, cette étude soulève la question de savoir combien d’autres athlètes sont victimes de mauvais traitements et qui ne sont même pas encore à ce niveau ou qui ont abandonné le sport en raison de la violence subie avant même d’arriver dans l’équipe nationale? »
DISCRIMINATION
La forme de discrimination la plus commune est la discrimination de genre, les athlètes féminines se voyant offrir moins d’occasions, de soutien et de ressources afin de progresser dans leur carrière sportive que les hommes. Parmi les athlètes auto-identifiés comme racialisés, 22 % ont subi de la discrimination liée à leur race.
« Selon les données recueillies, nous savons qu’il existe de la discrimination raciale dans le sport », affirme Neville Wright, triple olympien et membre du groupe de travail pour le sport sûr. « En raison du manque de sensibilisation et de signalement, il s’agit d’un sujet qui ne reçoit pas suffisamment d’attention ou encore qui n’est pas abordé de façon adéquate par des politiques ou de l’éducation. Le système a besoin de plus de leaders qui ont la capacité de comprendre, d’avoir de l’empathie et de composer avec cet enjeu. Nous devons favoriser le traitement équitable pour toutes les personnes qui participent à des sports et nous devons nous assurer que les groupes sous-représentés se sentent appuyés et libres de s’entraîner dans un environnement exempt de discrimination. L’éducation et une formation à la sensibilité constituent des étapes essentielles pour reconnaître et aborder la question du racisme dans le sport. Je m’engage à appuyer ce changement positif au cours des mois à venir. »
EFFETS NÉFASTES SUR LA SANTÉ
Dans toutes les catégories de mauvais traitements perpétrés à l’endroit des athlètes actuels et à la retraite, les femmes déclarent avoir été victimes de comportements nettement plus néfastes, tandis que les athlètes à la retraite ont déclaré des pourcentages plus élevés que les athlètes actuels.
Les constatations ont fait ressortir qu’il existe des liens significatifs et positifs entre toutes les formes de mauvais traitements (d’ordre psychologique, physique et sexuel et la négligence) et les effets néfastes sur la santé qui se manifestent sous forme de comportements d’automutilation, de troubles du comportement alimentaire / de l’alimentation et d’idées suicidaires.
Les données relatives aux effets néfastes sur la santé ont révélé que 15 % des athlètes actuels et 22 % des athlètes à la retraite ont des troubles du comportement alimentaire; 5 % et 6 %, respectivement, ont des comportements autodestructeurs; et 13 % des athlètes actuels, ainsi que 20 % des athlètes à la retraite, ont des idées suicidaires.
Les constatations ont aussi mis en évidence la notion selon laquelle les athlètes éprouvent des effets néfastes sur la santé longtemps après la fin de leur carrière sportive au sein de l’équipe nationale.
« Cette dernière étude vient soutenir des années de recherche sur la santé mentale des athlètes », affirme Thomas Hall, gestionnaire principal de Plan de match. « La santé mentale est l’un des piliers centraux de Plan de match, et nous reconnaissons qu’il s’agit d’un problème sérieux auquel font face de nombreux athlètes pendant et après leur carrière. Si l’on compare la situation d’aujourd’hui par rapport aux années précédentes, on constate qu’il y a davantage de programmes en place afin d’épauler les athlètes, mais nous devons continuer à travailler afin d’éliminer la stigmatisation entourant toute demande à l’aide, de sensibiliser à la santé psychologique et d’accroître les options pour les athlètes qui demandent de l’aide. Mais surtout, nous devons continuer à faire pression sur le système sportif pour qu’il reconnaisse que les athlètes représentent beaucoup plus que des potentiels de médailles. »
DIVULGATION ET SIGNALEMENT
Parmi les athlètes actuels et à la retraite qui ont subi de la violence, de l’intimidation ou de la discrimination, seulement 15 % ont signalé leurs expériences. Les athlètes ne signalent pas de problèmes ou de préoccupations à leur organisme de sport, car ils estiment que cela signifie demander à leur organisme de sport de s’incriminer, ce qui créerait un important conflit d’intérêts. À ce jour, les athlètes ne disposent d’aucune autre piste où présenter leurs préoccupations.
« Tandis que certaines personnes pourraient voir les constatations de cette étude comme négatives, elles soulignent la nature extrême des enjeux et le fait de maintenant posséder une étude à partir de laquelle travailler pour apporter des changements est en fait positif », déclare Allison Forsyth, olympienne et membre du conseil d’aministration d’AthlètesCAN. « Les athlètes signalent rarement. C’est aussi simple que ça. Ils ne sont pas à l’aide ou ne se sentent pas en sécurité pour le faire avec quiconque a un intérêt dans les résultats. J’ai signalé et le résultat n’a pas été positif. Il n’est pas facile de divulguer. Nous nous devons d’appuyer les athlètes dans ce sens – ils ont besoin d’un endroit sûr où signaler, un endroit sans conflits d’intérêt. »
Comme l’ont dit certains athlètes dans le sondage :
« En sachant qu’on peut être remplacé et que sa carrière est en jeu, on est sans cesse forcé d’ignorer les enjeux ou les mauvais traitements par peur. J’ai été témoin de chantage, d’intimidation, de favoritisme, et j’ai été la cible de violences verbale et psychologique. On nous musèle ou nous rabaisse si l’on pose des questions. J’ai peur d’être puni après avoir parlé. »
« Je n’ai jamais eu l’impression qu’il y avait quelqu’un à qui je pouvais parler des [préoccupations concernant des comportements néfastes] parce que le [sport] était ma vie et que je ne voulais pas compromettre ma carrière. »
DROITS DE LA PERSONNE
« Non seulement cette étude de prévalence trace-t-elle un tableau des expériences des athlètes, elle sert aussi de source de données de référence en fonction desquelles on peut évaluer l’impact des initiatives futures de prévention et d’intervention », explique Ashley LaBrie, directrice générale d’AthlètesCAN. « Elle souligne également l’importance de préserver les droits de la personne et le mieux-être des athlètes au Canada. Nous avons vu le mouvement des droits de la personne occuper l’avant-plan de la scène sportive en raison de la récente décision prise en vue du maintien des règlements d’admissibilité de l’IAAF pour les « athlètes présentant un trouble de la différenciation sexuelle ». D’ailleurs AthlètesCAN a joué un rôle d’intervenant à l’appui de la cause de Mme Semenya. Cela cadre bien avec les travaux que nous effectuons afin de créer un milieu sportif plus sûr et plus inclusif. »
« Les accommodements dans le sport n’équivalent pas au sport sûr et inclusif », affirme Kristen Worley. « Grâce à la Charte canadienne des droits et libertés, le Canada s’est déjà doté d’une politique de principe en matière de conception universelle qui s’articule autour des droits de la personne. Cette étude de prévalence nationale résume clairement les vulnérabilités inhérentes au système sportif canadien ainsi que la nécessité d’assurer la sécurité et le mieux-être de tous les athlètes, qu’ils pratiquent dans des clubs de sport locaux ou encore s’adonnent à de la compétition de haut niveau dans l’optique des droits de la personne et grâce aux valeurs qui y sont rattachées. »
RECOMMANDATIONS
Les questions ouvertes posées dans le sondage ont permis aux athlètes d’apporter des commentaires et des recommandations supplémentaires afin d’améliorer la scène actuelle.
Au nombre des recommandations en faveur de la promotion du sport sûr, mentionnons la nécessité :
- de mettre en place un mécanisme conçu pour recevoir, étudier et trancher les plaintes qui soit indépendant des organismes directeurs de sport
- de se pencher sur toutes les formes de mauvais traitements
- de privilégier davantage le mieux-être holistique des athlètes
- de mettre en œuvre des programmes d’éducation à caractère obligatoire s’adressant à tous les intervenants du système sportif
- d’intensifier les mesures de responsabilité
- d’assurer la disponibilité des appuis et des ressources pour les victimes de mauvais traitements
- d’interdire les relations sexuelles et l’intimité forcée entre les athlètes et les personnes qui occupent des postes de pouvoir
- de mener, de façon régulière, un sondage auprès des athlètes sur leurs expériences.
Ces recommandations ont permis d’orienter les récentes recommandations issues du Sommet national pour le sport sûr d’AthlètesCAN qui a eu lieu à Toronto qui regroupait 50 des meilleurs athlètes du Canada afin d’influencer la politique en matière de sport sûr.
AthlètesCAN devrait présenter les constatations de l’étude et les recommandations des athlètes lors du prochain Sommet national pour le sport sûr qui sera animé par l’Association canadienne des entraîneurs les 8 et 9 mai à Ottawa. L’événement permettra aux représentants venant de plus de 100 organismes nationaux, provinciaux/territoriaux et multisport et aux partenaires de se ressembler afin de se pencher sur le problème de la violence, du harcèlement et de la discrimination dans le sport.
LA VOIX D’AUTRES ATHLÈTES
« Tout comme les athlètes n’ayant pas de handicap, les athlètes ayant un handicap sont vulnérables aux mauvais traitements dans notre système sportif. En raison de nos handicaps et parfois de la nécessité de compter sur différentes personnes dans le sport pour nous accompagner au cours de notre entraînement quotidien et nous aider à subvenir à nos besoins fondamentaux, nous sommes légèrement plus vulnérables que nos homologues n’ayant pas de handicap au risque de mauvais traitements. Nous appuyons les recommandations issues du sondage et du Sommet, lesquelles préconisent d’établir des limites saines et appropriées entre les athlètes et le personnel de soutien qui occupe des postes de pouvoir et de mettre en place un système cohérent visant à soutenir les athlètes lorsqu’il s’agit de satisfaire aux préoccupations nécessaires pour assurer leur sécurité dans leurs milieux d’entraînement et de compétition. »
TONY WALBY, PRÉSIDENT DU CONSEIL DES ATHLÈTES DU CPC, GROUPE DE TRAVAIL SUR LE SPORT SÛR, JUDO PARALYMIPQUE
« Pour la première fois, nous, comme athlètes, avons l’occasion, à titre anonyme et confidentiel et en toute indépendance de notre ONS, de divulguer les cas de mauvais traitements dans le sport. Pour être franche, il s’agit de sujets que l’on aborde rarement au sein des équipes et des organismes, parce qu’on ignore et normalise ces problèmes et comportements depuis si longtemps. Je suis tannée d’être muselée, d’avoir peur, de voir mes coéquipiers et coéquipières se faire menacer et maltraiter. Et cette expérience envahit la gamme des sports au Canada.
Nous sollicitons l’aide d’une entité externe indépendante des personnes au pouvoir qui permettent depuis si longtemps la perpétuation de ce problème. Nous revendiquons un changement du paysage culturel du sport au Canada. Nous montons sur le podium et nous pouvons y parvenir SANS pour autant compromettre la sécurité et l’éthique dans le sport. Valorisons d’abord les gens plutôt que la performance. Je crois que si nous pouvons changer la culture au plus haut niveau et collaborer avec tous les intervenants, cela aura un immense impact sur la vie de tous les Canadiens et Canadiennes qui participent au sport à tous les niveaux. »
ERICA WIEBE, CHAMPIONNE OLYMPIQUE, LUTTE
« Quand nous parcourions le rapport sur la prévalence des mauvais traitements lors du Sommet, cela m’a ouvert les yeux et a ouvert les yeux de tous les athlètes dans la salle. Cette étude démontre clairement la nécessité de voir les choses changer pour le mieux, pour les athlètes. Les intervenants du système se doivent d’ouvrir leurs yeux! »
MERCEDES NICOLL, TRIPLE OLYMPIENNE, MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION D’ATHLÈTESCAN, SNOWBOARD DEMI-LUNE